William Harker, rockstar arrive...

William quitta son appartement en compagnie d'Hideo Natsume, son bassiste et Forrester son thérapeute. Ils montèrent dans une voiture discrète, noire, afin d'éviter les photographes. La route fut assez longue. Hideo parla beaucoup avec Forrester, à propos de Teikiastu, de l'état de William, des espoirs de rémission du jeune chanteur. William quand à lui, resta les yeux rivés sur le paysage regardant défiler des images fugitives du monde de la célébrité qu'il allait quitter pour une durée indéterminée. Il avait gardé ses lentilles blanches et ne souffla pas un mot de tout le trajet. Le menton posé sur le poing, le regard se posant tour à tour sur le paysage défilant et sur le visage inquiet de Hideo.
Enfin, ils virent apparaître au loin, l'établissement. Une bouffée de tristesse envahit William. Ainsi donc c'était là qu'on allait l'enterrer, il allait être dévoré par les vers puis oublié. Fini les cris de joie avant de monter sur scène, les fans éperdus d'admiration se jettant sur les barrières les séparant de leur idole. Fini le bonheur d'être sur scène, de cracher des textes coontestataires sous les bravos de la foule en délire. Il poussa un soupir et sortit en silence lorsque la portière s'ouvrit. Hideo lui proposa son bras, Will s'y accrocha comme un naufragé ) une bouée, il lui murmura à l'oreille, angoissé.

"Ne m'abandonnez pas, s'il vous plaît. Hideo, tu resteras toujours là?
_ Ne t'inquiètes pas Will, c'est que passager. Le groupe t'enverra des lettres, on viendra te voir."

Son ami aux cheveux rouges lui caressa affectueusement la tête en souriant. La carrioère de Despair allait être entre parenthèse le temps que William se remette. Il était impossible de continuer sans leur leader! A trois, ils avancèrent dans les couloirs longs et interminables, William avait l'impression qu'on l'amenait à l'échafaud ou devant un tribunal. Ils atteignirent enfin le bureau du directeur de l'établissement. Une secrétaire leur annonça qu'ils étaient attendus. La porte s'ouvrit devant le maître des lieux. Au milieu d'une pièce aux couleurs douces mais qui agressaient les yeux de William, assis derrière son bureau Dyan Hostrada les attendait.
Hideo prit place à droite, Forrester à gauche, Will se tenait au milieu. Ils s'installèrent chacun dans un des fauteuils prévus à cet effet. Ce fut le thérapeute qui prit la parole en premier.

"Bonjour cher confrère, je vous amène William Harker. Comme vous le savez, il est assez célèbre. Nous avons veillé à ce que la presse ignore où il se trouve. Autant éviter que les médias ne prennent d'assaut votre établissement. William souffre d'une schizophrénie non héréditaire. Il a des difficultés à distinguer William Harker de Joker, le personnage qu'il incarnait au sein de Despair. Je vous ai amené son dossier ainsi que les travaux et traitements que nous avons essayé sur lui. C'est un ancien héroïnomane en voie de rémission. Il doit prendre un certain traitement afin de pallier la sensation de manque."

Forrester posa sur le bureau un dossier assez épais et le fit glisser jusqu'à Dyan. Il comportait des cassettes audios de divers entretiens avec William, des ordonnances, l'histoire personnelle du jeune homme. Nerveusement, Hideo remuait sur son siège, serrant dans sa main celle de William. D'une voix basse et pas très assurée il déclara.

"Nous avons amené sa guitare et des partitions vierges afin qu'il continue de composer. C'est son îlot de bien-être. Si on lui retire cela on le tue."

William tourna son visage aux prunelles laiteuses vers Hideo et lui adressa un triste sourire de remerciement. Qu'il appréciait cet homme. Il était attentionné, un grand frère en quelque sorte. Il reporta son attention sur le directeur et jetta un regard assez étonné sur le mobilier. Là, encore ça piquait aux yeux. William tritura nerveusement une des chaînes qui pendaient de la ceinture de son pantalon de cuir noir. Il savait qu'il allait pas aimé cet endroit. Mais pour Despair, pour le public, il devait...

Ce matin là, Edward s’était réfugié dans le bureau de Dyan en son absence, pour bouquiner un petit peu. Il aimait bien cet endroit, plein de verdure, très éclairé, très ordonné si l’on ignorait le bordel innommable qui régnait sur le bureau. Mais ce matin, hors de question de le ranger, Edward avait envie de se reposer un petit peu. Dès son entrée, il alluma la petite chaîne stéréo pour y mettre un cd de relaxation acheté récemment, avant d’aller tranquillement se poser sur le fauteuil du directeur, son livre en main.

Mais à peine avait-il lu une page qu’il entendit des bruits derrière la porte. Ca y est, son repos était fini, il allait encore devoir remplir des tas de papiers, ou répondre à la question d’un pensionnaire perdu. Les bruits ne tardèrent pas à s’approcher, tandis qu’Edward plaçait un signet à la première page de son livre, se décidant de remettre sa lecture à plus tard.

Trois hommes entrèrent finalement dans son bureau, sans même toquer. Edward releva immédiatement la tête vers eux, alors qu’il leur indiquait de la main les fauteuils.

« Bonjour à vous »

Fit-il machinalement, le regard perdu dans le vide. Il jetta ensuite un coup d’œil à l’homme en face de lui, celui placé au milieu, qui semblait un petit peu inquiet, tout comme celui à sa droite. L’homme à gauche semblait plus à l’aise et ce fut finalement lui qui prit la parole.


Comme il le savait ? Edward fronça les sourcils lorsqu’il entendit ce bout de phrase. Contrairement à ce que cet homme pouvait dire, Ed n’avait entendu parler de William ni d’Eve ni d’Adam et n’aurait jamais pu dire en le voyant dans la rue qu’il était connu. Il faut dire que le jeune co-directeur était tout sauf adepte du rock. Lorsqu’il écoutait de la musique, c’était généralement de la musique douce, classique, et sûrement pas le genre de musique que ce jeune avait l’air de faire.

Edward se concentra finalement sur le restant de la longue tirade de cet homme, sans bouger d’un sourcil. Encore un petit peu et le co-directeur tombait en admiration devant cet homme qui avait réussit à débiter tellement de choses, tellement vite. Il y avait de quoi faire un petit record national… Oui mais voilà, là n’était pas vraiment le sujet, puisque l’homme était apparemment venu pour y inscrire la rock-star. Edward secoua rapidement la tête, avant de tirer un sourire à cet homme

« Oui, vous voulez donc l’inscrire… il vous faudra donc remplir un formulaire, et.. »

A ces mots, Edward sortit du tiroir un papier sur lequel étaient écrites de nombreuses choses. D’autres, comme le nom, la pathologie et quelques détails insignifiants restaient à remplir

« Voilà, il est ici, vous devrez mettre son nom, prénom, éventuellement des informations sur sa maladie »

Fit-il, tandis que ses yeux scrutaient le bureau pour rechercher désespéramment un stylo digne de ce nom. Immédiatement, son regard se planta vers un stylo en forme de grenouille, et Ed émit un petit sourire dans le vent en pensant au jour où il avait offert ce stylo à Dyan.. Un cadeau stupide mais qui avait fait bien plaisir au directeur. Cependant, le stylo risquait de ne pas réellement convenir à cet homme, et Edward lança un autre regard sur le bazar sans nom qui régnait sur cette table, avant de finalement trouver ce qu’il cherchait. Il le tendit à l’homme, joignant à ceci le formulaire

« Pour le traitement médical… notez aussi ceci sur le formulaire. Il a les médicaments avec lui ? »

Il attrapa au passage le gros dossier que lui faisait parvenir l’homme, songeant qu’il aurait sûrement toutes les informations nécessaires dedans. Edward n’avait pas une envie folle de se farcir le dossier entier, mais y jetterais tout de même un coup d’œil à l’occasion, quand l’envie l’y prendrait.

L’homme côté du nouveau pensionnaire prit ensuite la parole pour le prévenir qu’ils lui avaient laissé sa guitare. Edward sourit à ce jeune homme qui paraissait intimidé, avant de leur répondre

« Il n’y a pas de problèmes, la musique n’est pas interdite par ici, au contraire »

Ed fit un petit clin d’œil au nouvel arrivant, avant de replanter ses yeux sur le dossier. Entendant un petit bruit de métal, il leva la tête, pour remarquer que William jouait nerveusement avec les chaînes de son pantalon. Il baissa les sourcils un instant, les yeux plantés sur ces chaînes, semblant totalement ailleurs, avant de remuer la tête à nouveau

« Bien, avec vous des questions sur l’établissement ? »

Sans bouger d’un sourcil, assis sur sa chaise de bureau, Ed regarda l’homme remplir consciencieusement les papiers qu’il lui avaient donnés, pour y remettre tout ce qu’il venait de lui citer en vrac. Une fois remplis, l’homme se pencha finalement vers son sac et y sortit un grand sachet emplit de boites, avant de le tendre au co-directeur.

« Merci beaucoup »

Fit Edward, en attrapant le sachet pour le poser à côté de lui. Mais avant même qu’il n’ait le temps de noter quoi que ça soit, le nouveau pensionnaire venait de l’interrompre son tuteur en pleine nouvelle tirade. Dommage, ce dernier n’aurait pas l’occasion de battre son record personnel… Enfin, cette idée s’échappa bien vite de la petite cervelle du co-directeur qui vint à nouveau fixer le jeune homme, en fronçant les sourcils. D’un coup, le nouveau pensionnaire semblait beaucoup plus arrogant, et pour peu, aurait semblé malpoli, malgré la détresse qui semblait s’émaner de lui.

Gêné par cette scène, Ed se replongea dans les papiers que l’homme venait de lui tendre, sans relever la tête lorsque le William en question exprima clairement son opinion à l’homme à sa gauche. Non, le co-directeur restait concentré dans le formulaire que le thérapeute venait de lui donner, et était précisément en train de lire ce que l’homme avait marqué à propos de sa peur des inconnus. Etrange, ici, il ne semblait pas réellement avoir peur d’Ed, mais le jeune homme se dit que c’était une bonne chose.

Ed ne releva la tête que lorsque William s’adressa à nouveau à lui-même, d’un ton aussi sympathique que celui utilisé pour le thérapeute quelques instants auparavant. Cependant, Ed ne perdit pas son sourire, bien au contraire. Il accompagna tout de même ce dernier d’un léger abaissement de sourcils, ce qui n’était pas pour lui donner un air réellement intelligent.

« Votre musique ? Oui, je vous l’ait dit, il n’y a pas le moindre problème la dessus du moment que cela ne dérange pas les autres pensionnaires »

Evidemment, il allait de soi que si William se mettait à jouer de la guitare à quatre heures du matin alors que son colocataire dormait… sa guitare serait confisquée ou du moins il n’aurait plus le droit de l’utiliser dans sa chambre. Edward se tourna ensuite, saisissant une petite clé violette sur laquelle le numéro 5 était inscrit.

« Voilà, votre chambre est la numéro cinq, elle se trouve au premier étage, dans le couloir de gauche »

Fit-il, en adressant un petit clin d’œil au nouveau pensionnaire, tout en lui tendant la clé.

William lança un regard assez méprisant au co-directeur. Et bien, il y avait l'air d'avoir des vedettes ici! si les gens qui allaient s'occuper de lui avait l'air aussi intelligent, il allait rester pas mal de temps au frais. Il arracha presque des mains la clé d'Edward. Un mouvement vif. Surtout que cet homme ne le touche pas! Joker détestait cela.
William se leva dans un crissement de cuir. Il fallait que cet imbécile de Forrester aille chercher ses bagages, les dépose dans sa chambre et dégage illico presto. Le jeune homme se tourna vers le garçon aux cheveux rouges. Un sourire se dessina sur ses lèvres pleines. Le bassiste ouvrit les bras et William s'y réfugia. Il serra contre son ami, le lâcha à regret et se tourna vers son thérapeute. Il parla de la même voix dure.

"Il est temps que t'aille chercher mes affaires. Tu les déposes dans la chambre et tu dégages."

Une voix rauque s'adressa à William, qui pencha légèrement la tête de côté, semblant écouter quelque chose.
*Excellent sale gamin, tu réagis très bien. Il nous enterre, qu'il pourrisse en enfer.*
Les traits de William se crispèrent légèrement. Il n'aimait pas plaire à Joker, mais lorsqu'il allait à l'encontre de lui, il se faisait mal. Il hocha doucement la tête et tourna les talons. Forrester regarda Edward et dit d'un air désolé.

"Je suis navré, Monsieur. Vous venez de rencontrer Joker, William n'est pas comme cela."

Il se leva, serra la main de l'homme en face de lui et avec Hideo sur les talons quitta le bureau après s'être respectueusement incliné.